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Rodolphe Rous

Dissolution d'une société unipersonnelle en plan de redressement : quelles conséquences ?




Le 2 octobre 2024, la Cour de cassation a rendu une décision importante concernant les effets de la dissolution d'une société unipersonnelle (SARL) au cours de son plan de redressement. Cette décision vient éclaircir les principes juridiques applicables en cas de dissolution d’une société dont toutes les parts sociales sont détenues par un associé unique, alors que la société est sous plan de redressement. Voici un résumé détaillé des faits, de la décision et des implications juridiques de cet arrêt.


Faits et contexte procédural


En mars 2011, une SARL se trouve en redressement judiciaire, et un plan de redressement d'une durée de dix ans est arrêté par le tribunal. Ce plan prévoyait notamment l'inaliénabilité du fonds de commerce de la société. En avril 2018, toutes les parts sociales de la SARL sont réunies en une seule main, et l'assemblée générale extraordinaire prononce la dissolution anticipée de la société. Un liquidateur est nommé et la SARL est radiée du registre du commerce en mai 2021.


La SARL engage alors une procédure judiciaire pour obtenir le paiement de factures. Suite à sa radiation, un mandataire ad hoc est désigné pour poursuivre cette instance. En septembre 2021, le tribunal constate l'exécution du plan de redressement et clôt la procédure collective. La société débitrice conteste le jugement ordonnant le paiement des factures devant la Cour de cassation, en faisant valoir que la SARL avait perdu la capacité d'ester en justice en raison de sa dissolution.


Décision de la Cour de cassation


La Cour de cassation rejette le pourvoi et pose un principe fondamental : la dissolution d'une société unipersonnelle au cours d’un plan de redressement n'entraîne pas la transmission universelle de son patrimoine à l'associé unique, lorsque ce plan rend son fonds de commerce inaliénable. Ce point est essentiel car il confirme que, même dans le cadre d’une société unipersonnelle, certaines restrictions imposées par le plan de redressement priment sur les règles générales de dissolution.


La transmission universelle du patrimoine (TUP), prévue par l’article 1844-5 du Code civil, stipule généralement que, lors de la dissolution d'une société unipersonnelle, son patrimoine est automatiquement transféré à l'associé unique. Cependant, la Cour rappelle que cette règle est inapplicable lorsque la société est en procédure collective, et que la dissolution ne supprime pas la capacité de la société d'ester en justice.


Implications juridiques


Cette décision de la Cour de cassation a plusieurs implications importantes :

  1. L'inaliénabilité du fonds de commerce : Lorsqu'un plan de redressement impose l'inaliénabilité du fonds de commerce, cette inaliénabilité continue de produire des effets même après la dissolution de la société. Cela signifie que la société conserve son patrimoine pour la durée du plan, empêchant ainsi toute transmission universelle à l'associé unique.

  2. Capacité juridique d'ester en justice : Même après sa dissolution et sa radiation du registre du commerce, une société sous plan de redressement peut poursuivre des actions en justice par l'intermédiaire d'un mandataire ad hoc. La dissolution ne supprime donc pas la capacité de la société à agir en justice tant que les obligations du plan de redressement sont en cours d'exécution.

  3. Absence de transmission universelle en procédure collective : Cet arrêt renforce une jurisprudence constante selon laquelle la transmission universelle du patrimoine n’a pas lieu en cas de procédure collective. La dissolution, dans ce contexte, ne confère pas à l'associé unique le contrôle automatique du patrimoine de la société.


Observations finales


L’article 1844-5 du Code civil pose le principe de la transmission universelle de patrimoine en cas de dissolution d’une société unipersonnelle. Toutefois, comme l’a précisé la Cour de cassation, ce principe connaît des exceptions importantes, notamment dans le cadre des procédures collectives. L’arrêt du 2 octobre 2024 illustre l’importance de l’ordre public dans la gestion des entreprises en difficulté, et rappelle que les règles applicables aux procédures collectives priment sur les dispositions générales du Code civil.


Pour conclure, cet arrêt met en lumière une subtilité du droit des sociétés et des procédures collectives : la dissolution d’une société unipersonnelle n’emporte pas nécessairement la transmission de son patrimoine à l’associé unique, notamment lorsque le fonds de commerce est inaliénable en vertu d’un plan de redressement. Les entreprises en difficulté doivent donc prêter une attention particulière aux effets juridiques de leur plan de redressement avant toute dissolution.

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