Le 10 octobre 2024, le Conseil d’État a rendu un arrêt (CE, 9e-10e ch. réunies, 10 octobre 2024, n° 495894), portant sur le régime fiscal des indemnités compensatrices perçues par les agents généraux d’assurance lors de la cessation de leur activité. Cette décision marque un tournant, car elle renvoie une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel, soulevant une incertitude importante pour les professionnels concernés.
Le régime actuel : exonération sous conditions des plus-values de cession
Le régime d’exonération des plus-values pour les cessions d’activité des agents généraux d’assurance est encadré par l’article 151 septies A du Code général des impôts (CGI). Ce régime offre une exonération de l’impôt sur le revenu (IR) sous plusieurs conditions :
Conditions générales pour les plus-values (CGI, art. 151 septies A, I) :
Durée d’activité : L’activité doit avoir été exercée pendant au moins cinq ans.
Cession à titre onéreux : La cession doit porter sur l’ensemble des droits ou parts détenus par le contribuable dans l’entreprise individuelle ou dans une société où les bénéfices sont imposés à l’IR.
Départ à la retraite : Le cédant doit cesser toute fonction dans l’entreprise et faire valoir ses droits à la retraite dans un délai de deux ans avant ou après la cession.
Conditions spécifiques aux agents généraux d’assurance (CGI, art. 151 septies A, V) :
Contrat de représentation : Le contrat d’agent général doit être en vigueur depuis au moins cinq ans.
Indemnité compensatrice : L’indemnité perçue pour la cessation du mandat doit respecter les conditions du départ à la retraite dans les deux ans suivant la cessation.
Poursuite de l’activité : L’activité doit être poursuivie intégralement dans un délai de deux ans suivant la cessation du contrat.
Ces règles visent à soutenir les agents généraux d’assurance en fin de carrière, en leur permettant de bénéficier d’une exonération fiscale lors de la cessation de leur activité.
La question constitutionnelle : une restriction du bénéfice de l’exonération ?
La spécificité de ce litige tient à une restriction : seules les indemnités compensatrices versées aux agents exerçant à titre individuel peuvent prétendre à l’exonération. Ce critère exclut de fait les agents exerçant dans le cadre d’une société dont les bénéfices sont soumis à l’impôt sur le revenu. Le Conseil d’État, saisi par un agent général d’assurance, a estimé que cette distinction pouvait porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, en raison de l'inégalité de traitement créée entre les agents individuels et ceux opérant via une structure sociétale. Cette question, soulevant un doute sérieux, a justifié un renvoi au Conseil constitutionnel.
Enjeux pratiques de cette QPC pour les agents généraux d’assurance
Cette question prioritaire de constitutionnalité est cruciale, car elle pourrait remettre en question le régime d'exonération actuel et imposer des modifications aux critères d’éligibilité. En cas de décision favorable du Conseil constitutionnel, les agents généraux exerçant dans le cadre d’une société pourraient également bénéficier de l’exonération fiscale, ce qui étendrait la portée de ce dispositif et offrirait une meilleure équité entre les différents modes d’exercice de l’activité.
Conclusion : quelle perspective pour les agents généraux d’assurance ?
Dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel, les agents généraux d’assurance qui envisagent de cesser leur activité doivent porter une attention particulière à la structure dans laquelle ils exercent. Si le Conseil constitutionnel devait reconnaître cette inconstitutionnalité, cela pourrait amener le législateur à modifier les dispositions du CGI pour élargir l’exonération à tous les agents, quel que soit leur mode d’exercice. Cette évolution potentielle serait favorable aux professionnels souhaitant optimiser leur transmission d’activité en bénéficiant de conditions fiscales avantageuses.
La suite de ce dossier dépendra de la réponse du Conseil constitutionnel, dont les implications fiscales pourraient être majeures pour les agents généraux d’assurance en fin de carrière.
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