Dans un arrêt marquant du 11 décembre 2024 (Cass. com., n° 23-13.300), la Cour de cassation a été amenée à préciser les contours de la renonciation tacite à la prescription, apportant une contribution notable à la jurisprudence en matière de déclaration de créance et de ses effets.
Les faits
Un créancier a déclaré une créance de 1 407 150,52 euros, laquelle a été contestée par le mandataire judiciaire au motif qu’elle serait prescrite. Le créancier a alors assigné divers intervenants (la débitrice, les administrateur et mandataire judiciaires, ainsi que la caution). La caution, de son côté, a demandé au juge de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge-commissaire et, à titre subsidiaire, de déclarer les demandes du créancier irrecevables pour prescription.
Le juge-commissaire, confronté à une contestation sérieuse, s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’admission de la créance et a invité le créancier à saisir la juridiction compétente.
Ultérieurement, la débitrice a été placée en liquidation judiciaire.
Devant la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion (arrêt du 29 novembre 2022), l’action du créancier a été déclarée prescrite. La cour d’appel a estimé que la remise par la débitrice de la liste de ses créanciers au mandataire judiciaire était insuffisante pour établir une renonciation à la prescription. Le créancier a donc formé un pourvoi en cassation.
La décision de la Cour de cassation
La Haute juridiction a confirmé l’analyse de la cour d’appel en rappelant les principes clés des articles 2250 et 2251 du Code civil : une renonciation tacite à une prescription acquise ne peut résulter que de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.
Ainsi, la mention d’une créance dans la liste transmise au mandataire judiciaire, conformément à l’obligation prévue à l’article L. 622-6 du Code de commerce, ne saurait constituer une telle circonstance. Cette mention fait certes présumer la déclaration de créance par le créancier, mais elle n’implique pas une reconnaissance de dette ni une renonciation à se prévaloir de la prescription.
Observations
Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence en matière de déclaration de créance. La Cour de cassation avait déjà énoncé dans des décisions du 23 mai 2024 que la transmission d’une liste de créanciers au mandataire judiciaire établit une simple présomption de déclaration, sans valoir reconnaissance de dette.
Cette jurisprudence rappelle à la fois la rigueur des conditions de renonciation tacite à la prescription et la nécessité, pour les créanciers, de formaliser précisément leurs démarches.
Elle clarifie également les effets limités de l’article L. 622-24 du Code de commerce introduit par l’ordonnance du 12 mars 2014, notamment en matière de preuve et de reconnaissance implicite de créance.
En préservant l’équilibre entre les intérêts des créanciers et des débiteurs, la Cour de cassation contribue à une meilleure sécurité juridique dans le cadre des procédures collectives.
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