La régularité des propositions de rectification fiscale est un aspect crucial pour garantir les droits des contribuables. Un arrêt récent du Conseil d'État français, daté du 30 avril 2024, a clarifié les conditions dans lesquelles une proposition de rectification adressée à un gérant et associé d'une société peut se référer à celle adressée à cette dernière. Cet article examine les faits de l'affaire, les principes juridiques en jeu et la décision du Conseil d'État.
Contexte et Faits
Une SARL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour l'exercice 2014. L'absence de comptabilité probante a conduit l'administration fiscale à reconstituer le chiffre d'affaires et le bénéfice de la société. L'administration a estimé que le gérant et associé de cette société, en tant que seul maître d'affaire, avait appréhendé les revenus correspondant aux bénéfices non déclarés, lesquels ont été regardés comme distribués par la société.
Procédure
L'administration a assujetti le gérant à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu (IR) et de contributions sociales pour l'année 2014. Le tribunal administratif d'Amiens a accordé au gérant la décharge de ces impositions supplémentaires, décision confirmée par la cour administrative d'appel de Douai. Le ministre de l'Économie a alors formé un pourvoi devant le Conseil d'État.
Principes Juridiques
Selon l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales (LPF), l'administration doit motiver la proposition de rectification de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations ou d'accepter la rectification envisagée. Cette proposition doit indiquer les motifs, le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal, la catégorie de revenus concernés et les années d'imposition.
Décision du Conseil d'État
Le Conseil d'État a jugé que la proposition de rectification adressée au gérant et associé d'une société, se référant à celle adressée à cette dernière sans la joindre, est régulière si le contribuable reçoit ultérieurement une copie de la proposition de rectification et bénéficie d'un délai supplémentaire pour présenter ses observations.
En l'espèce, la proposition de rectification faisait référence à celle adressée à la société pour une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés (IS). La copie de cette proposition a été envoyée au contribuable à son adresse personnelle, et l'administration lui a accordé un nouveau délai de 30 jours pour formuler ses observations. Ainsi, les impositions litigieuses ont été établies conformément aux exigences de l'article L. 57 du LPF.
Précédents et Précisions
Le Conseil d'État avait déjà statué sur la motivation par renvoi dans une décision de 2015, jugeant qu'une proposition de rectification se bornant à mentionner des courriers antérieurs n'était pas suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du LPF (CE 9e et 10e s.-sect. réunies, 18 novembre 2015, n° 382376).
Conclusion
L'arrêt du Conseil d'État du 30 avril 2024 réaffirme les conditions de régularité des propositions de rectification fiscales, notamment en ce qui concerne la motivation par référence. Cette décision souligne l'importance de fournir au contribuable toutes les informations nécessaires pour qu'il puisse exercer pleinement ses droits de défense. En garantissant la transparence et la clarté des motifs de rectification, l'administration fiscale respecte les principes de justice et d'équité procédurale.
Sources
Conseil d'État, 30 avril 2024, n° 465718, mentionné aux tables du recueil Lebon.
Livre des procédures fiscales (LPF), article L. 57.
Cour administrative d'appel de Douai, 19 mai 2022, n° 20DA00158.
Conseil d'État, 18 novembre 2015, n° 382376.
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